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mardi 25 mars 2014

Présentation de l'oeuvre par le JUGE

12 hommes en colère

Le rideau va se lever sur cette scène, sur cette aventure humaine plutôt, qui n’a pas pris une ride depuis sa création en 1953 (tout un symbole !) au théâtre et 1957 au cinéma : « 12 hommes en colère ». Mais en colère contre quoi, contre qui ?


·         Les colères et les prisons

Contre l’insupportable huis-clos de cette salle étouffante ? Contre le huis-clos pesant de la responsabilité lourde, trop lourde de la décision judiciaire à prendre pour ce groupe de 12 jurés sans liens et si divers qui doit paradoxalement trouver l’unanimité ? Contre le huis-clos pratique du masque social dont chacun s’affuble, ou de celui des certitudes, voire de la mauvaise foi, dans lesquelles certains s’enferment ? Contre le huis-clos douloureux des souffrances personnelles profondes que portent bon nombre des jurés  comme une prison étouffante : la haine raciale, le chômage, la fatigue, le conflit familial… ?
Alors on va chercher des échappatoires artificielles, des pirouettes pour sortir de cette nasse. D’abord décider vite pour vaquer aux loisirs personnels ; les cent pas ensuite et les silences ; les blagues de certains, les fenêtres ou la fraîcheur de l’eau des toilettes ; la pression ou l’interventionnisme des uns pour peser sur l’avis des autres…
Peu importe alors que l’erreur judiciaire fasse l’unanimité ! Puisqu’il est coupable ! C’est l’évidence ! On est en prison d’avoir raison !

·         La libération
Mais le seul qui va réussir à faire sortir chacun de son abri, de sa caverne, voire de sa prison de certitudes, c’est symboliquement l’architecte, qui va construire la réflexion. En effet c’est celui qui va ouvrir pour chacun les fenêtres du doute ; éclairer les faits et y mettre la lumière ; mesurer les inconnues ; échafauder les hypothèses et le raisonnement ; apporter l’outil symbolique, ce couteau, à la fois l’arme du crime mais aussi l’instrument de la décision, le symbole du nœud qu’il faut trancher.


·         Une grande œuvre

Comme toutes les grandes œuvres artistiques, celle-là n’a pas pris une ride ni dans la forme ni dans le message.
C’est d’abord une incroyable dramaturgie forte des trois unités de la tragédie classique, rythmée par les rebondissements des votes successifs, par la force de la parole et le poids des silences, par les résistances virulentes au tout début ou les abandons douloureux comme à la fin l’ultime chagrin du père détruit…
Le succès de cette œuvre, c’est aussi son humanisme. Elle présente en effet la force de la fable dont le récit ne fait que préparer la morale ou la leçon. Ici on peut avoir raison seul contre tous et en convaincre les autres, patiemment, méthodiquement, sans violence : la liberté de penser, la raison démocratique, la vérité et la justice finissent par triompher des préjugés.
Selon les mots du philosophe humaniste angevin Jean Bodin, « Il n’est de richesse que d’homme »… même en colère !  



Gérard BOUSSION

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